RENCONTRE AVEC : JEAN-JACQUES BREBAN PRESIDENT DU CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DES VINS DE PROVENCE
Le PDG des Vins Bréban, société familiale de négoce basée à Brignoles depuis 70 ans, est aux commandes du CIVP. Impliqué depuis quarante ans dans la montée en gamme des Vins de Provence, ses chevaux de bataille : renforcer le leadership des Vins de Provence, accompagner la montée en gamme la préservation des terres viticoles et la transition écologique.
Nadège Moha : Comment les Vins de Provence ont-ils survécu à la crise sanitaire et au confinement ? Est-ce que des mesures ont été prises pour pallier à cette crise ?
Jean-Jacques Bréban : Pendant le confinement, les Vins de Provence ont subi une baisse d’activité de l’ordre de 30%. Le CIVP a donc dû réviser son plan d’actions sur ses différents marchés en France et à l’export. Au niveau régional, nous avons créé une nouvelle application mobile développée en partenariat avec la Chambre d’Agriculture et la Route des Vins de Provence, la CCI du Var et les acteurs du tourisme de la région. Cette application, nommée « Destinations Vins de Provence » s’adressera aux locaux et aux touristes afin de soutenir la vente directe des producteurs et d’animer la Région pendant les mois d’été. Pratique, ludique et pédagogique, cette application proposera différents services dont le jeu Côtés Caves en Provence. Elle permet d’explorer, de jouer et d’apprendre, des jeux de pistes vous permettront de vous déplacer chez les vignerons ainsi que dans les restaurants, cavistes et bars à vin partenaires afin de gagner des bons d’achat à valoir dans l’un des restaurants partenaires.
Les utilisateurs pourront également s’inscrire à un tirage au sort permettant de remporter des week-ends en Provence. S’inscrivant dans la campagne collective « On a tous besoin du Sud » initiée par le Comité Régional du Tourisme Provence Alpes Côte d’Azur, Le CIVP déclinera ses visuels pour décliner l’identité « On a tous besoin de Provence » Ces nouveaux visuels seront diffusés tout l’été dans le cadre d’un plan média associant presse écrite affichage et digital.
Nadège Moha : Des actions aussi à l’International ?
Jean-Jacques Bréban : L’interprofession a aussi fait le choix de maintenir, d’adapter son plan d’action sur ses principaux marchés export (États-Unis, Canada, UK, Allemagne…) en renforçant la communication digitale et en nouant des partenariats avec des sites web et des médias mettant en avant les restaurants, les cavistes distribuant des Vins de Provence. Par ailleurs, le potentiel de croissance à l’export étant toujours aussi important, les vignerons et négociants de Provence ont souhaité maintenir le plan de référencement Asie Pacifique avec une market place dédiée qui sera lancée en juin et des missions d’entreprises, assurées à distance à l’automne, en direction de la Chine et la Corée du Sud.
Nadège Moha : Comment les Vins de Provence ont -ils conquis le monde ?
Jean-Jacques Bréban : Nous avons la chance d’avoir une région à forte fréquentation touristique : 10 millions de touristes viennent chaque année découvrir notre région et repartent en emportant dans un petit coin de leur cœur, le rosé de Provence qu’ils ont connu pendant leurs vacances. Nous nous sommes dit au CIVP que ces visiteurs étaient nos véritables ambassadeurs et qu’il fallait aller les retrouver dans leur pays ; nous avons donc monter des plans d’action de développement à l’étranger et notamment aux États-Unis.
Nadège Moha : Les Vins de Provence continuent ils leur conquête de nouveaux marchés à l’export ?
Jean-Jacques Bréban : les USA restent notre marché numéro un, un marché moteur. Malgré la taxe qui a impacté nos ventes, ils restent le premier pays consommateur de Vins de Provence au monde, avec une population de 300 millions d’habitants. Le marché de l’Angleterre se place en 2ème position malgré le Brexit. Nous devons continuer à nous intéresser aux pays de l’Europe ; l’Allemagne, les pays nordiques et les pays que nous n’avons jamais explorés tels que l’Afrique du Sud, le Brésil et autres … qui sont des marchés en devenir, le marché de la Chine, bien entendu, pays qui fait couler beaucoup d’encre. Mais, en dépit du souci majeur de la crise sanitaire, nous allons reprendre nos actions entreprises dans ce pays et nous n’allons ni céder au pessimisme ni à la panique.
Nadège Moha : L’ascension du rosé à l’export au détriment des autres couleurs, pourquoi ?
Jean-Jacques Bréban : Dans le marché mondial, il faut savoir que c’est le rosé qui progresse le plus. Fort marché en expansion, il est donc normal que nous, Vins de Provence, nous en soyons les leaders : Nous devons rester vigilants car ce leadership suscite des convoitises et l’émergence de concurrents. Nos atouts, c’est que nous, Vins de Provence, nous n’avons jamais délaissé nos vins blancs ni nos vins rouges qui représentent des parts de marchés moins importantes, certes, 3 % de blanc et 12% de rouge mais qui sont sur le marché local, une tradition, sur le marché de la restauration, dans nos foyers, et au cœur même de notre région. C’est sur ce marché local que nous devons progresser.
Nadège Moha : Le rosé, est-il un phénomène de mode ou bien un art de vivre ?
Jean-Jacques Bréban : Non, le rosé n’est pas un phénomène de mode. La preuve, aujourd’hui, nous constatons que le public consomme du rosé toute l’année. C’est un phénomène nouveau. Aujourd’hui, le rosé est un vin qui s ‘accorde parfaitement avec l’art culinaire actuel et j’y vois plutôt une progression de la consommation plutôt qu’une récession.
Nadège Moha : Protection de l’Environnement, et dérèglement climatique, comment faire face à cela ? et comment appréhendez-vous l’évolution de la vigne d’ici les prochaines décennies ?
Jean-Jacques Bréban : Le réchauffement climatique est un sujet qui nous tient à cœur au sein du Conseil des Vins de Provence. L’écologie est une réalité indéniable. La date des vendanges qui est un moment crucial pour les vignerons est sans cesse avancée. Mais heureusement, il y a une véritable prise de conscience des vignerons et par conséquent de nouveaux modes de conduites de la vigne. Le grand problème actuel c’est l’eau ; il faut réfléchir pour travailler différemment la vigne. A travers le Centre du Rosé, nous expérimentons de nouveaux plans de vignes plus résistants, qui pourront mieux s’adapter à ce changement climatique et au manque d’eau.
Nadège Moha : La culture en bio, la culture en biodynamie et les labels environnementaux, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Jean-Jacques Bréban : Le Var est un département favorisé par cette culture biologique puisque le climat, la chaleur, sont des éléments très favorables, nous traitons moins la vigne de ce fait, ce qui favorise la culture biologique. De plus, nous nous dirigeons vers la culture Haute Valeur Environnementale. Nous pouvons nous positionner même leader dans cette HVE qui se met en place. La biodynamie également est une voie intéressante. Et c’est cette diversité de proposition : biologique, biodynamie, HVE, végan, déméter, qui permet d’offrir des produits sains, naturels qui répondent largement à la demande croissante du consommateur soucieux de sa santé, tout en préservant l’environnement .
Nadège Moha : Nous assistons à une nouvelle tendance : Le rosé en canette, qu’en pensez-vous ? Sa conservation ? Ses qualités gustatives ?
Jean-Jacques Bréban : Si c’est au Président du Conseil interprofessionnel des Vins de Provence que vous posez la question, je vous répondrais que je ne suis pas favorable au rosé en canette. Bien entendu, c’est un nouveau marché qui s’adresse aux jeunes consommateurs certes, mais ne galvaudons pas la culture du rosé, le rosé de Provence est un produit d’excellence, il n’est pas une simple boisson, il n’est pas un produit comme les autres. Avoir sa canette dans son attaché case pour boire un coup comme ça, quand on a soif… autant boire de l’eau. Le vin en canette, ce n’est plus du vin. Le vin doit rester un moment de partage et de dégustation pour l’apéritif, pour le moment du repas.
Des années après avoir commercialisé des milliers de bouteilles, se retrouver
ainsi aux sources du métier, c’est un véritable retour aux sources.
Nadège Moha : Comment se sont positionnés les Vins de Provence au Concours Général 2020 du Salon de l’Agriculture ?
Jean-Jacques Bréban : La Provence était présente comme chaque année à ce Concours Général Agricole, et pour mon plus grand bonheur, nous avons eu des pluies de médailles cette année, et beaucoup de médailles d’or ont été attribuées aussi bien à des vignerons indépendants qu’à des caves coopératives. Cela signifie que le niveau général continue de progresser et que nos vins sont reconnus de très haute qualité.
Nadège Moha : La Route des Vins de Provence, n’est-ce pas là un symbole d’union et la plus belle manière de fédérer toutes les appellations sous une appellation unique « Vins de Provence, y compris les Vins de Bandol »?
Jean-Jacques Bréban : C’est un sujet épineux mais qui se fera avec le temps. Nous avons déjà réussi à réunir plusieurs appellations sous l’emblématique Vins de Provence. Il faut amener les choses en douceur, nous sommes dans une profession où on n’aime pas brusquer les choses. Je pense que la nouvelle génération qui arrive sera prête à discuter. Nous devons réfléchir sans abandonner nos différences, et ce qui fait nos particularités, pour nous unir sous une entité unique, sous l’emblème fédérateur des Vins de Provence Il faut que nous puissions nous rapprocher . A travers la Route des Vins de Provence, toutes les appellations sont réunies sous l’emblème unique de la Provence. La Route des Vins de Provence doit continuer d’être un gage de qualité, de rigueur, d’excellence, dans l’accueil et la diversité de l’offre.
Nadège Moha : Quel est le plus beau souvenir de votre enfance passée en Provence que vous gardez dans votre mémoire ?
Jean-Jacques Bréban : Mon plus beau souvenir d’enfance en Provence, ce sont les balades en vélo sur les routes varoises. Découvrir le Var en vélo c’est extraordinaire ! On souffre car le Département n’est pas plat, mais on découvre des paysages merveilleux. D’ailleurs, la Dracénie a lancé la Vigne à Vélo, à faire absolument ! …. et la mer …. J’ai une forte attirance pour la mer. J’ai voyagé de par mon métier dans tous les pays du monde, mais lorsque je reviens, je me dis que rien ne peut égaler la beauté des Iles de Porquerolles.
Nadège Moha : Et quels étaient vos rêves d’enfants ?
Jean-Jacques Bréban : J ’avais un rêve lorsque j’étais enfant, je rêvais d’avoir des vignes. Quelque chose me manquait dans ma vie, c’était de réaliser mon rêve d’enfant. Dernièrement, j’ai eu le bonheur de pouvoir accéder à ce rêve ; Nous venons d’ acquérir avec mes enfants, le Château de l’Arnaude, à Lorgues, c’est un véritable coup de cœur. Des années après avoir commercialisé des milliers de bouteilles, se retrouver ainsi aux sources du métier, c’est un véritable retour aux sources.