Rencontre avec… Yann Arthus-Bertrand
Né en 1946 Yann Arthus-Bertrand s’est toujours passionné pour la beauté des grands espaces et le monde animal.
À l’âge de 20 ans, il s’installe dans le centre de la France et dirige une réserve naturelle. Avec son physique plus qu’avantageux, il fait même ses premiers pas dans le cinéma, aux côtés de Michèle Morgan …
À l’âge de 30 ans, il part avec son épouse Anne, vivre au Kenya dans le parc national Massaï Mara pour étudier le comportement d’une famille de lions qu’il photographie chaque jour pendant trois ans. Parallèlement, il est pilote de montgolfière. C’est à ce moment qu’il découvrira la terre vue du ciel et qu’il s’initiera à la photographie aérienne. Très vite, il comprend que par l’image et sa fascination pour la beauté des grands espaces naturels, il détient une arme puissante et précieuse qui peut éveiller les consciences sur les enjeux de l’écologie.
Il fonde la première agence de photographie aérienne dans le monde. En 2003, après La Terre vue du ciel, Yann Arthus-Bertrand lance le projet «Sept milliards d’Autres». 6.000 interviews ont été filmées dans 84 pays par une vingtaine de réalisateurs partis à la rencontre des autres. Du pêcheur brésilien à la boutiquière chinoise, de l’artiste allemande à l’agriculteur afghan, tous ont répondu aux mêmes questions sur leurs peurs, leurs rêves, leurs épreuves, leurs espoirs …
En 2005 il crée «GoodPlanet» et son site web, association reconnue d’utilité publique depuis, ayant pour mission de sensibiliser et d’éduquer le public à la protection de l’environnement et au développement durable.
Dans le prolongement de Sept milliards d’autres, Yann Arthus-Bertrand vient de réaliser son tout nouveau long métrage «Human» dans lequel il réunit 2000 interviews d’êtres humains de toutes races et y associe en parallèle des images aériennes de la Terre, d’une extrême beauté. La sortie de ce film unique est prévue en septembre 2015, lors de la réunion des chefs d’États à New York.
Bien plus qu’un simple reporter photographe à succès, il est un activiste de la cause environnementale. Un parcours hors du commun pour ce messager humaniste que rien ne peut arrêter. Il court la planète aux quatre coins du monde, fasciné par la Terre, les animaux, les peuples.
Parmi ses livres, « La Terre vue du Ciel », vendu à plus de trois millions d’exemplaires, il réalise également plusieurs, courts et longs métrages dont « Planète Océan », « Home ».
Le public est bouleversé.
Animé par la passion de la vie, obsédé par la beauté des grands espaces, des humains, il enchaîne les voyages, les tournages, les conférences, les actions concrètes pour la cause environnementale. « La vraie révolution sera spirituelle » dit-il. Il a choisi le département du Var, plus précisément l’Île de Port-Cros pour s’y installer avec sa famille.
En exclusivité pour notre magazine, Le Cahier du Tourisme Varois, Yann Arthus-Bertrand a spontanément accepté de nous livrer avec beaucoup d’émotion, sa vision de l’amour du bonheur, du luxe, sur le Var, la politique, l’écologie et nous parle de son prochain long métrage « Human ».
NM : Yann Arthus Bertrand, depuis longtemps, vous parcourez la Planète, vous rapportez des images fascinantes de beauté et dans un même temps des images de désolation, des images de destruction.
Quelle vision avez-vous de la Planète et des hommes qui la dirigent ?
Yann Arthus-Bertrand : Ce n’est pas une petite question, ça, mais je vais faire bref. A travers mon Travail « La Terre vue du ciel », à travers les études scientifiques, j’ai cherché, j’ai essayé de comprendre le monde qui nous entoure. Lorsque je suis né, nous étions 2 milliards, nous sommes passés de 2 milliards à 7 milliards d’humain sur cette terre. Je sais que j’ai un impact sur la terre, je vis dans la mondialisation ; je consomme, je voyage, je possède une voiture ; la civilisation, les échanges, les pays riches ont besoin de plus en plus de croissance, c’est indéniable mais forcément, à force de croissance, on va se retrouver face à un mur. Lorsque j’ai présenté pour la première fois le travail d’Al Gore « La Vérité qui Dérange » à l’Assemblée Nationale à Paris, je croyais que pleins de choses allaient changer ce jour là ! Je croyais que pleins de gens allaient changer ce jour là. J’ai ensuite assisté à toutes les grandes conférences de Copenhague, du Brésil, etc…! En fin de compte, rien n’a changé et pourquoi cela ? Parce qu’on n’a pas envie de changer. Il faudra bien que ça change pourtant. Moi je fais tout ce que je peux à travers mon métier pour que ça change. J’ai eu la chance de voyager grâce à mon métier et de voir la pauvreté et d’assister au changement climatique.
NM : Comment pourra-t-on opérer ce changement ?
YAB : La révolution ne sera pas une révolution politique elle ne sera pas une révolution scientifique, elle ne sera pas une révolution économique ; la révolution sera une révolution spirituelle. J’ai une vision fataliste, mais je dois aimer le monde dans lequel je vis ; j’ai envie de partage. Je vis dans un monde d’énergie, d’éducation gratuite, de soins, je n’ai pas le droit de me plaindre, je vis dans un climat plus que supportable ; il faut cesser de se plaindre. J‘aime profondément la vie.
NM : Yann, qu’est ce que le bonheur ?
YAB : Dans le cadre de mon prochain film «Human» j’ai interrogé une vieille dame du Kazakhstan sur la question : qu’est ce que le bonheur ? cette dame nous a répondu : «Le bonheur ? C’est quand mes petits enfants m’appellent Babouchka, le bonheur : c’est : je suis en vie donc je me dois d’être heureuse. »
NM : Quelle réflexion vous inspire cette célèbre citation de Dostoïevski : « C’est la beauté qui sauvera le monde » ?
YAB : Non ce n’est pas la beauté qui sauvera le monde, c’est l’amour.
C’est l’amour qui sauvera la vie, ce n’est pas ridicule, vivre dans l’amour, dans l’amour des autres, dans l’amour de sa famille, ce n’est pas facile déjà d’aimer sa famille, mais on ne peut pas vivre sans amour. Dans une des interview que j’ai réalisées, il y a une phrase qui m’a profondément touché : «Mon rêve, c’est de mourir avec le sourire» c’est une phrase extraordinaire, ça, on doit tous mourir, mais mourir avec le sourire. C’est magnifique cette phrase. L ‘amour, l’humanisme c’est la seule solution dans ce monde difficile : amour, c’est un mot qui n’existe pas en politique.
Les politiciens devraient mettre de l’amour dans ce qu’ils font.
NM : Yann, Pierre Rabhi, l’agriculteur biologiste poète et philosophe a dit : « Attention à l’illusion : on peut manger bio, recycler son eau, se chauffer à l’énergie solaire, et exploiter pourtant son prochain ». Donc tout cela ne suffit pas pour changer le monde ? L’engagement pour l’écologie est donc indissociable de l’humanisme ?
YAB : L’écologie politique est une écologie morte car elle manque d’amour, aux dernières élections, les écologistes ont réalisé 2 % des voix, ils ont réussi à nous dégoutter des Verts. Je ne supporte pas les Duflot et compagnie qui se battent entre eux. Et pourtant les Verts c’est ma famille, je vote pour les Verts. L’écologie ne devrait pas être un parti politique, tous les partis politiques devraient prendre en compte l’écologie dans leur programme. Les politiciens de tous bords devraient travailler tous ensemble, rassembler leurs énergies, leurs idées, mettre de l’amour dans la politique ; cela peut sembler un peu «nunuche» je sais, le journal «Libération » m’a traité de «nunuche», et bien je l’assume ! Mais c’est l’amour qui sauvera le monde. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de ce président de l’Uruguay, José Mujica qui reverse 90 % de son indemnité de président pour des programmes sociaux dans son pays. Il y a encore des grands naïfs, des utopistes, comme lui, comme moi. Vous savez, j’ai 68 ans et je veux aller à l’essentiel. Je suis optimiste.
NM : Vous avez fondé l’association «GoodPlanet», une merveilleuse initiative, avec son site web et des actions concrètes dont l’engagement Carbonne, l’association Badao, l’exposition « 7 milliards d’autres », et dans son prolongement « HUMAN », votre prochain long métrage. Pouvez-vous nous parler de ce projet formidable et unique qui sortira en 2015 ?
YAB : C’est un film qui se veut à l’écoute des humains, de leurs préoccupations quotidiennes, sur la mort, l’éducation, les enfants, les parents. Ce ne sera pas un long métrage gai, je m’intéresse depuis longtemps à la guerre : la guerre ce n’est pas gai, mais comment peut-on, encore de nos jours, à travers des guerres, prétendre résoudre des problèmes et tuer des êtres humains !! La guerre en Syrie, en Ukraine, l’Afghanistan, au Mali, la corruption, l’extrême pauvreté… Il y a des hommes et des femmes qui vivent encore dans une extrême pauvreté, une extrême misère, vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point. Parallèlement, je montre la beauté des paysages, la beauté des êtres, j’ai réalisé à ce jour, 2000 interviews d’hommes et de femmes de tous les jours, des êtres très simples, il ne reste plus que le secrétaire général de l’ONU, le Dalaï Lama et le Pape à interviewer. Eux aussi ont des préoccupations sur la vie, la mort le bonheur.
NM : Yann Arthus Bertrand, vous avez parcouru la Planète, et vous avez choisi de vous installer sur l’île de Port-Cros dans le Var, comment avez vous découvert cette île ?
YAB : J’ai découvert cette île parce que je rêvais de beaux endroits, j’ai découvert cette île par ce que je suis obsédé par la beauté, je suis obsédé par les beaux endroits, peu importe le lieu qu’il soit vieux, en ruine, délabré. J’ai mis dans ce lieu tout ce que j’avais, tout ce que je possédais. On est bien qu’avec les gens qu’on aime. Le lieu est exceptionnel, mais vous savez c’est beau partout, sur toute la planète c’est beau. J’ai filmé le Pakistan dernièrement et ses habitants m’ont dit : C’est beau le Pakistan ! J’ai répondu : Oui bien sur ! C’est beau le Pakistan ! Mais c’est beau partout vous savez, la planète est magnifique partout.
« Port-Cros !! C’est le luxe suprême » Yann Arthus-Bertrand.
NM : Que représente le Var pour vous ? Est-il un département préservé au niveau écologique ?
YAB : Je n’en sais rien. Préservé du bétonnage, oui. Saint-Tropez, Le Lavandou, sont préservés. Je regrette une seule petite chose : c’est qu’on n’ai pas conservé le petit train qui partait du Lavandou et qui allait jusqu’à Hyères.
NM : Est ce que vous connaissez le Var ? Pouvez nous en parler ?
YAB : Vous le connaissez mieux que moi, vous en parlez très bien à travers votre magazine. Non, je connais Port-Cros, et puis, il y a une chose que j’aime dans le Var c’est l’accent des gens d’ici, l’authenticité. Et j’aime le parc national de Port-Cros.
NM : Pour certains le luxe c’est Saint-Tropez, les palaces, les Yachts, les stars du show-bizz, pour vous le luxe, qu’est ce que c’est Yann ?
YAB : Port-Cros !! C’est le luxe suprême, vivre les pieds dans l’eau et vivre dans le silence… Le silence, c’est le luxe ! Le luxe, c’est de réaliser ses rêves avec de l’énergie !
Lorsque l’appel d’offre pour acquérir ce lieu a été publié sur le Monde, je pensais qu’il y aurait beaucoup de candidats, et bien, détrompez-vous, personne ne voulait de ce lieu ! Qui veut d’un lieu où il faut investir tout son argent, toutes ses économies personnelles pour le restaurer et ensuite le rendre à l’état 40 ans après ?
J’entends certains jeunes gens qui me disent : moi, mon rêve, c’est de devenir photographe, et bien je leur réponds qu’il faut ESSAYER, on sait combien il est difficile de réussir dans ce métier de photographe .Il est vrai j’ai réussi ma vie professionnelle, … ma vie privée, ça c’est autre chose. Moi j’ai réalisé mon rêve, vivre dans ce parc naturel, avec ceux que j’aime, en bonne harmonie avec les gens originaires de Port- Cros et ceux du PARC NATIONAL.
L’important c’est d’essayer, l’important c’est d’y croire. On tombe, il faut se relever. On tombe et on se relève sans cesse ; mais il faut essayer.
« Un pessimiste c’est un imbécile malheureux, un optimiste c’est un imbécile heureux ».
Propos recueillis par Nadège MOHA auprès de monsieur Yann Arthus-Bertrand, ambassadeur de bonne volonté, titre décerné par l’ONU.
Remerciements à Morgane Sbernardori.
Contact Fondation GoodPlanet
Domaine de Longchamp
1, Carrefour de Longchamp
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