RICHARD BERTIN, L’OENOLOGIE AVEC SCIENCE ET CONSCIENCE

Lionel Szapiro : agronome, chimiste ou magicien, comment décririez-vous votre pratique de l’œnologie ?
Richard Bertin : Ce qui est important c’est d’abord la connaissance du terrain, la connaissance de la matière et celle du monde. Nous, œnologues conseils, accompagnons les producteurs depuis la plantation de la vigne jusqu’à la mise en bouteille par notre connaissance et notre expertise technique. Nous sommes à la fois des conseils et des confidents présents pour les rassurer dans la prise de décisions. Outre cet accompagnement comme praticien ou homme de l’art, nous assurons aussi un service de contrôle analytique de la qualité du vin, nécessaire tout au long de sa vie depuis la cueillette des raisins jusqu’à son conditionnement en bouteille. C’est d’ailleurs avec notre contribution technique que toutes les indications que le consommateur peut lire sur les étiquettes existent.

Lionel Szapiro : Quelle évolution voyez-vous dans l’œnologie de 2020 ?
Richard Bertin : Aujourd’hui, nous sommes obligés de prendre en considération la mondialisation du marché et les différentes attentes des consommateurs pour élaborer des produits en jouant sur la couleur et le goût. Mais nous devons aussi nous adapter aux évolutions environnementales et aux tendances sociétales.

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Lionel Szapiro : quelles sont les nouvelles pratiques ?
Richard Bertin : Évidemment les valeurs intemporelles sont toujours là, mais concevoir des produits en fonction des nouveaux modes de consommation c’est aussi un de nos impératifs. Je pense ainsi aux vins « apéro », aux vins « culture », aux vin « nature » ou aux vin « glouglou » pour ne citer que ces images du vin.

Lionel Szapiro : Vous agissez plutôt en curatif ou en préventif ?
Richard Bertin : Plutôt en préventif, agir uniquement en curatif cela provoque des dégâts.

L’œnologie c’est comme la cuisine : certains vins trouvent leur qualité dans leur seule origine, d’autres subliment leur saveurs à partir d’assemblages complexes et judicieux.

Lionel Szapiro : A quoi ressemble votre journée type ?
Richard Bertin : Dans les caves à 75% en contact avec le produit et le client.

Lionel Szapiro : Comment est née cette passion pour le vin ?
Richard Bertin : Très tôt dès l’âge de 15 ans. D’abord parce que j’ai grandi dans la culture du vin, mais aussi par inclination scientifique et personnelle, le jour où je me suis aperçu que le résultat de plusieurs vins habilement combinés ensemble pouvait donner un super vin. L’œnologie c’est comme la cuisine : certains vins trouvent leur qualité dans leur seule origine, d’autres subliment leur saveurs à partir d’assemblages complexes et judicieux.

Lionel Szapiro : Quelle est votre plus grande satisfaction ?
Richard Bertin : Il y a des vins qui ont ma signature personnelle, mais mon rôle c’est d’adapter mon diagnostic à l’attente du client. S’il souhaite un vin gourmand plutôt qu’un vin vif , alors on oriente les choix techniques vers ce caractère de gourmandise. C’est le producteur qui parle le mieux de ses vins. Il doit en être à l’origine et se l’approprier. Une autre satisfaction majeure reste la confiance que m’accordent mes clients et qui permet une relation durable. Le conseil œnologique, c’est un partage qui dure parfois plusieurs décennies.

Lionel Szapiro : Quelles sont vos contraintes ?
Richard Bertin : La charge de travail et la disponibilité permanente inhérentes à une relation durable avec le client, à la connaissance du produit et à celle du terrain.

Lionel Szapiro : D’après vous, quelle est la part des femmes dans ce milieu ?
Richard Bertin : On revient à un équilibre conforme aux normes sociétales. En particulier dans l’univers du vin rosé qui dans l’inconscient collectif s’approprie facilement la féminité, ce qui est moins vrai pour le rouge.

Lionel Szapiro : Quel conseil donneriez-vous à un jeune œnologue ?
Richard Bertin : Avoir confiance en son palais.

Lionel Szapiro : L’œnologie une profession typiquement française ?
Richard Bertin : Nous sommes à l’origine de cette profession qui aujourd’hui s’est totalement internationalisée.

Lionel Szapiro : Que représente la Provence pour vous ?
Richard Bertin : Je vous répondrai d’abord par une anecdote, récemment j’ai fait une dégustation informelle où il y avait des Sancerre et un rosé de Provence. Et bien, c’est le rosé qui a eu le plus de succès. Mais je vous dirai ensuite tout simplement que la Provence c’est… toute ma vie !